Nez Bavard is back to business!!
Et pour poursuivre la série de billets sur les Guerlain, on reprend aujourd’hui avec Shalimar. En effet suite aux réactions de plusieurs lecteurs sur le précédent billet, j’ai voulu réessayer Shalimar et refaire son analyse. J’avais déjà évoqué le principe « du bon vin » dans le billet sur l’odeur du papier, et il me semble que les nez sont régis par la même loi : pour peu que l’on prenne la peine d’exercer son nez, il s’améliore en vieillissant, et je sens aujourd’hui plus de choses qu’en janvier dernier…
Shalimar est donc classé dans les parfums orientaux… Cette famille olfactive est un mystère pour moi tellement elle est utilisée à toutes les sauces. Mais ça doit sûrement faire bien d’avoir marqué « oriental » sur son étiquette, on se sent moins bête au milieu de tous les autres flacons sur les étagères et on peut crâner auprès des copains…
« – Wwaaaaaaahhh… Alors c’est toi Shalimar? L’oriental le plus oriental des orientaux? (demande Ange ou Démon, l’oriental-raté)
– Héhé! Oui, c’est Moua… (répond Shalimar, l’oriental des orientaux)
– Pas si vite mon coco, moi c’est Jicky (le vénérable oriental) et je suis plus vieux que toi, alors rend à César ce qui appartient à César! Presto! »
Pour la petite anecdote, la légende voudrait que Jacques Guerlain ait versé quelques gouttes d’éthyl-vanilline dans un flacon de Jicky « pour voir », et que le résultat soit à l’origine de Shalimar. Cela dit, comme avec le N°5 de Chanel, où est la limite entre mythe et réalité? Les orientaux, parfois appellés « ambrés », constituent une famille de parfums qui se caractérise par sa sensualité et sa chaleur, développant dans ses parfums des notes poudrées, vanillées, animales. Cette famille a donné beaucoup de sous-familles ; et je trouve que souvent le terme d’oriental est utilisé plus pour stimuler l’imaginaire des clientes que pour rendre compte de la présence d’éléments spécifiquement orientaux dans la fragrance. Shalimar est sans nul doute le parfum auquel se réfère l’imaginaire collectif lorsqu’il pense « oriental ». Il résume à lui seul la catégorie ambré-vanillé qui est la plus représentative des orientaux. Il me semble cependant qu’il ne suffit pas de contenir de la vanille et de l’ambre dans sa composition pour être un oriental.
Tel que je le perçois, un parfum oriental doit avant tout se démarquer des autres par une certaine animalité, ce qui est le cas de Shalimar et de Jicky avant lui. Un véritable aspect peau, voire sécrétion, doit pouvoir se deviner dans la composition (de façon plus où moins marquée), sans cela pas de chaleur et de sensualité carnée au rendez-vous. C’est cet élément qui pour moi est à l’origine du succès de Shalimar. Jacques Guerlain a su dompter et styliser une note animale présente mais mystérieuse, qui oscille entre force et délicatesse. Je trouve d’ailleurs que cet accord est plus marqué chez Jicky, ce qui le rend peut-être moins évident à apprivoiser. Shalimar, lui, est enveloppé de voiles de rondeur vanillée, féminisé par quelques fleurs et adouci par de la fève tonka, le tout posé sur son fond animal, à l’origine composé de civette, musc, ambre gris, cuir et patchouli qui lui procurait toute sa charge sensuelle. J’ai eu la chance de pouvoir analyser Shalimar avec un flacon ayant appartenu à ma maman et qui bien qu’un peu vieux ne s’est pas abîmé. Je donne cette précision parce qu’il est clair pour moi que la qualité des anciens (et nouveaux) parfums Guerlain a baissé. LVMH pompe aujourd’hui sérieusement sur le capital de confiance de la maison Guerlain, qui est synonyme depuis sa création de qualité. Force est de constater que les choses ont changé, comme me le faisait remarquer une lectrice dans un commentaire, les EDP actuelles correspondent aux EDT de l’époque de nos grand-mères, ce qui veut dire que les extraits que l’on nous vend aujourd’hui très cher étaient alors vendus comme des EDP! Seules des marques comme Montale ou Serge Lutens proposent encore des eaux de parfums concentrées à 25% dans l’alcool à des prix abordables (55 € un 50 ml chez Montale contre 87 € les 7,5 ml d’extrait de Shalimar…).
Mon avis sur Shalimar a sensiblement changé par rapport à janvier dernier. Bien que je n’affectionne pas particulièrement ce parfum, je dois lui reconnaître une grande finesse de composition, une audace assumée et une empreinte inoubliable. Je suis de moi-même allée à la rencontre de Shalimar, car je n’étais pas née lorsque ma mère l’a porté, bien que sa réputation l’ait précédé. Je m’y suis habituée, mais il reste synonyme de grande sophistication et je lui préfère l’Heure Bleue, plus intime et confidentielle.
Sources : OsmoZ, http://www.guerlain.com, Wikipedia, Images de Parfums (publicité Shalimar)
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