A vue de… nez, rien à voir entre tout ça. Mais ce n’est pas grave, c’est comme ça que vient l’inspiration. En cette journée estivale parisienne, qui fut aussi pour moi une journée de convalescence (aller attraper une angine blanche avec une chaleur pareille… les Solidays c’est bien, mais pas sous tous les plans), il a fallu se trouver une occupation intelligente et utile. Alors j’ai commencé à farfouiller dans les échantillons de parfums Guerlain gracieusement offerts par Madame Sylvaine Delacourte lors de la rencontre bloggers-amateurs du 22 juin dernier, et j’y ai pioché le plus attendu, le plus connu et le plus royal de tous : Shalimar (en extrait). Si cela vous a pris un jour de penser que Shalimar n’était pas pour vous, eh bien, vous n’aurez raison que le jour où vous aurez essayé l’extrait. On le dit depuis des années, mais pour connaître un parfum, généralement, rien ne se compare à l’extrait. Vous cherchez le dessein du créateur, la finesse d’une composition, vous voulez comprendre un classique ou le redécouvrir : il vous faut l’extrait. C’est la lune qui me l’a dit ce soir, ici-même, bronzée après une longue journée de soleil et lovée dans un ciel noir-cuivré encore vibrant de chaleur. Elle me regardait d’un oeil mystérieux à demi-fermé sur son beau visage ocre, et soufflant sur mon poignet de sa douce haleine d’été, elle m’a fait sentir. Et j’ai compris.
Le chat bleu aux pattes de vanille et aux yeux bergamote était là, ronronnant sur mon poignet. Parfois il se levait, s’étirait, baillait, laissant entrevoir ses dents d’iris et me frôlant de ses douces moustaches de patchouli. Une touche de transpiration, très légère mais vivante, finit de m’achever.
Pourquoi je travaille toujours la nuit ? L’inspiration et les grands moments de force et de volonté qui l’accompagnent bien souvent, tombent, chez moi, assez systématiquement aux alentours de 23 h si ce n’est pas minuit. Sérieusement, je me demande comment je vais faire plus tard au boulot, parce que les oiseaux de nuits dans notre monde moderne, ça ne court pas les rues. Bon, j’avoue pour ce soir, c’est aussi parce qu’il fallait bien que je laisse le temps à l’extrait de s’étendre et se détendre sur mon petit poignet. Quoiqu’il en soit, je ne suis pas déçue du résultat. Même si je savais depuis bien longtemps la beauté de Shalimar, je ne la connaissais pas vraiment. Elle est apparue ce soir, dans une vision très dense et dans cette atmosphère un peu énigmatique de lune rousse. Elle a rougi d’ailleurs, est devenue presque cramoisie, et ne cesse de me faire du charme depuis qu’elle sait qu’on parle d’elle…
On ne sait pas trop ce qui peut nous arriver lorsque l’on sent un parfum. Qui sait sentir est capable de remuer en lui des trésors d’imagination insoupçonnés. Finalement, peu importe que l’on ait vraiment saisi la vision nette du parfumeur (je doute que Jacques Guerlain ait imaginé un chat bleu en composant Shalimar), peut-être n’était-elle même pas nette pour lui-même… L’important est de s’approprier sa beauté. Elle se manifestera sous forme d’émotions, de sensations, de souvenirs souvent mais aussi de visions. Cependant, comprendre, ça prend du temps.
Même si j’avais peu de chance d’être déçue avec un classique tel que Shalimar, cette expérience m’a fait comprendre que chaque parfum a droit à son microcrédit. Vous connaissez le microcrédit ? Cette opération qui consiste à accorder des prêts de faible montant pour des petits projets à des artisans ou même à des particuliers comme à la mairie de Paris… Eh bien, pour les parfums c’est un peu la même chose. Un microcrédit de temps associé à une petite parcelle de peau est nécessaire pour chaque parfum, pour qu’il puisse révéler ou non, sa beauté. Je tente de procéder à ces opérations parfunancières depuis quelques jours et je dois dire que l’expérience est profitable pour le parfum et pour moi aussi. Tout le monde y gagne! La preuve que le microcrédit est vraiment un outil fantastique…
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