Archive for the 'Aromatique' Category

Serge Lutens : Fourreau Noir et Fille en Aiguilles

Ma première rencontre avec les 2 derniers opus de Serge Lutens fut assez expéditive, un amateur de parfum ayant eu la gentillesse de nous les faire essayer sur touches à moi ainsi qu’à d’autres bloggers.

Fille En AiguillesMa sensibilité personnelle tomba d’abord sous le charme (évidemment) de Fille en Aiguilles. Un délice d’arrogance et d’élégance. Des matières en surdose, du corps, de la profondeur, du Lutens signé. Bref, de quoi ravir Nez Bavard. Fourreau Noir à côté restait un peu discret et un peu trop propret sur le carton pour faire un véritable effet et me transporter ailleurs. Apprenant que c’est ce dernier qui allait sortir dans la collection des Salons du Palais-Royal, alors que Fille en Aiguilles, lui, sortirait pour la gamme export, je suis restée un peu perplexe.

Mais sur la peau, toujours, il faut essayer.

Fille en Aiguilles tient ses promesses jusqu’au bout. Une pinède entière se trouve sur vos poignets, vous entendez au loin le sac et le ressac de la mer… Il fait bientôt nuit,vous êtes assis autour d’un feu de bois, dans lequel vous jetez des aiguilles de pin et d’où s’élèvent des volutes d’encens délicat. C’est dans ce parfum que j’ai trouvé la plus belle reconstitution de l’odeur d’église, celle d’un mélange d’encens et de cire de bougie, celle qui imprègne les pierres, les bancs et la lumière. Avignon de Comme des Garçons offre lui aussi une belle représentation et ce fut ma première référence en matière d’odeur d’église, mais  il se trouve au coeur même de l’encensoir, alors qu’ici on se trouve plus dans l’atmosphère et l’évocation. La douceur balsamique de la sève de pin s’étire sur votre peau, recouvrant l’encens et le vétiver. Un parfum qui vous demande toutes les heures ce que vous pouvez bien faire à Paris…

Fourreau Noir est une autre histoire. Celui-ci n’évoque plus un lieu mais bien une peau. On est d’ailleurs quasiment immédiatemment précipité dans l’accord de fond qui se contruit autour d’un musc poudré et blanc (le même que celui de Kiki dans Vero Profumo) et d’une fève tonka épaisse. Pas de spectaculaire ou de théâtral : la fragrance est douce, caressante, elle reste proche et intime à la peau. Elle développe un moment un stade qui fait penser au Mâle de Jean-Paul Gaultier : une touche de vanille, un musc poudré et une friction de lavande fraîche  plus tard, on retrouve l’évocation d’une peau chaude et sensuelle. D’une grande douceur, il peut être surprenant de savoir que l’on ne pourra le trouver qu’aux Salons du Palais-Royal, étant donné qu’il est tout de même moins surprenant que le premier. Mais peut-être la diffusion (commerciale) a-t-elle voulu s’accorder à l’univers plutôt intimiste du parfum ?

2 nouveaux parfums à paraître en septembre donc, deux univers très différents à découvrir, dont l’un est peut-être plus dans la « tradition Lutens » que l’autre.

Investigations en terre masculines II

L’Artisan Parfumeur : Fou d’Absinthe (encore L’Artisan!?? Oui, oui… encore)

Fou d’Absinthe créé en 2006 par Olivia Giacobetti (fidèle à la maison) marqua l’arrivée chez l’Artisan de la première Eau de Parfum pour un « masculin » présenté comme tel. A la description des notes, on s’attend à des notes assez fraîches et aromatiques, un charmant cocktail pour les séducteurs. Résultat, nombreuses sont les femmes qui portent et achètent pour elles-mêmes le Fou d’Absinthe.

Ce parfum porte bien son nom, car comme le breuvage, ses accents de départ sont presque saoulants, comme peut l’être une eau-de-vie. Cela vous réchauffe tel un verre de liqueur et vous désaltère comme un verre de pastis. « Fou d’Absinthe pour vous servir Madame! »

Les premières gorgées sont comme une accélération brutale et puis l’instant d’après, lorsque l’on reprend ses esprits, arrivent les senteurs fraîches des plantes : absinthe (et son amertume), laurier, anis, menthe. Ces plantes bien que très rafraîchissantes, semblent s’enflammer sur la peau et diffuser une odeur sourde de fumée qui s’échappe d’un feu (pour aller nourrir les dieux). Pendant que se consume le feu, les parfums des bois de patchouli et de cèdre fusent eux aussi. Mais plus que tout, c’est la douceur de la sève de pin, le piquant, le sec de ses aiguilles et la blancheur de son bois qui vous transportent dans une forêt où chacun de vos pas réveille une odeur merveilleuse. L’aspect mentholé et anisé du parfum est légèrement sucré, comme un sucre parfumé d’une goutte d’eau de mélisse, mais seulement pendant une petite heure. Le contraste chaud-froid ne disparait jamais, et pour peu que la brise se lève, en fermant les yeux, on se croirait à la campagne dans les Landes. Enfin, pour que le fond soit des plus fins, les épices (poivre, muscade, clou de girofle) sortent et apportent la touche finale à ce breuvage.

Fou d’Absinthe s’apprécie effectivement comme un alcool fin, parfumé et délicat, et bien que son évolution soit plus lente sur la peau qu’en bouche, il a réellement cet aspect puissant et dense du spiritueux. J’en profite tout de même pour vous rappeller que l’abus d’alcool est dangeureux pour la santé. La pose moralisatrice étant passée, je peux vous dire que par les temps d’été, si vous n’avez pas la chance de partir, porter ce parfum sera un puissant outil évocateur pour vous permettre un peu d’évasion en moins de 30 secondes.

Disponible dans toutes les boutiques Artisan Parfumeur et grands magasins, 50 et 100ml, 70 et 100€

Narciso Rodriguez : For Him

Je ne sais pas par quel type de procédés magiques le talentueux Francis Kurkdjian a su recréer un musc aussi criant de sensualité, toujours est-il que Narciso Rodriguez est un monstre en la matière. Après le succès du féminin, le couturier a appliqué la bonne recette du « On prend les même et on recommence« . En 2007, Francis Kurkdjian refait une interprétation autour du musc égyptien cher au créateur.

Je ne sais pas trop ce que le terme « musc égyptien » recouvre. Cependant, lorsque l’on cherche les éléments qui peuvent rapprocher le masculin du féminin, on perçoit de façon assez nette le caractère assumé de la note sensuelle voire sexuelle du musc qui sert de pilier à la construction des deux fragrances. Le musc présent dans les deux compositions mêle un véritable aspect sécrétions (le côté sale et animal) à une certaine rondeur et douceur qui compense l’impression débraillée…

Il me semble cependant que le masculin est plus aventurier dans ce domaine. Le départ en bouquet aromatique annonce une construction assez classique de fougère, mais laisse rapidement la place à la feuille de violette et son aspect cuir râpé qui fait penser au nubuck. A ce moment de l’évolution, il me rappelle Tom Ford For Men avec une facette plus fraîche. La suite devient plus contrastée. L’offensive séductrice et aguicheuse dévoile une légère odeur de transpiration métallique, contenue par une note de fleur blanche, mais qui restera présente jusqu’à la fin. Le coeur s’aiguise et s’arrondit, le musc sort ses plus beaux habits accompagné très discrètement par l’ambre. Sur le fond, le patchouli nous entraine comme lui seul sait le faire dans son lit de terre humide et fraîche, et continue de tanguer avec ce musc coquin décidément infatiguable. On terminera par ce long stade boisé-musqué-frais, qui s’étire sur la peau chaude apportant le contraste. On se souvient aussi du fond de patchouli dans For Her, mais qui était beaucoup plus moelleux et miellé.

Narciso Rodriguez For Him a les atouts d’un beau classique masculin, mais avec une vraie part de nouveauté inattendue et de risque. Bien que pour moi il charrie une grande dose de sensualité, jamais ce parfum ne tombe dans l’excès. Il reste fin et classe et surtout assez frais, ce qui le rend proprement irrésistible. A tel point que j’éprouve un plaisir non dissimulé à le porter et le sentir se dévoiler sur ma peau au fil des heures.

Vero Profumo : Kiki

Sur le site internet de Vero Kern, la créatrice des parfums Vero Profumo, on peut lire : « Les odeurs échappent à l’emprise rationnelle, à la langue. » En lisant cette phrase, j’ai immédiatement fait une association qui m’a semblé résumer assez bien la perception du monde des odeurs : une odeur est un sentiment. Elle ne se perçoit qu’à travers le sentiment auquel on la rattache, s’impose à nous de la même façon qu’un sentiment prend sa place dans notre coeur et y plante sa tente. Je vis les parfums de cette façon, et je pense que c’est ce qu’a souhaité exprimer Vero Kern lorsqu’elle a écrit cette phrase.

La perception des parfums Vero Profumo se fait dans cette optique, Rubj, Onda et Kiki sont des parfums addictifs ou répulsifs, les sentiments qu’ils provoquent sont immédiats et incontrôlables. Ces compositions ne sont disponibles qu’en extrait de parfum, et pour une véritable appréciation ne s’essaient qu’à même la peau. L’avantage des concentrations en extrait de parfum est que la composition est mise immédiatement à nu, les défauts ou à l’inverse les qualités sont repérées dès le premier sniffage. Ici, on tire son chapeau pour la qualité des matières premières qui transparaît de suite. Le parfum qui a produit véritablement un effet coup de foudre sur moi est Kiki. Je salivais déjà, avant même d’avoir essayé le jus, à la lecture des notes : une lavande poudrée, musquée, fruitée construite autour d’un accord caramel / patchouli / oppoponax / fruits exotiques.

L’essai a été concluant, je me suis laissée fondre dans ces coussins de lavande musquée puissamment enveloppants et en même temps étonnamment pétillants. Je n’ai su que par la suite que ce parfum me convenait doublement puisque la créatrice l’a conçu en hommage à la ville de Paris, où je suis née et que je ne me lasse pas de traverser en long et en large. L’envol de Kiki me fait penser à une pastille effervescente, ce sont les fruits exotiques qui arrivent en fanfare pour commencer à la fois frais et piquants. Puis vient le meilleur moment, où la lavande, pièce maîtresse de la composition, entre en scène et se laisse observer jusqu’à la fin sous tous les angles. Tournoyant sur la peau, on la perçoit tantôt acide, tantôt cotonneuse, tantôt fardée (poudrée). Elle est assez stylisée dans ce parfum, car bien qu’on la reconnaisse, elle n’a rien de classique. J’avais eu peur que le fond ne se termine sur une note écoeurante de caramel, car ma peau a une fâcheuse tendance à faire sucrer les parfums : il n’en fut rien. Le fond se termine sur un musc propre et sec, intensifié par la présence de la lavande (une odeur de propre pour une grande partie de la population).

Sur les 3 parfums de Vero Profumo, c’est celui qui est le plus confortable et le plus facile à porter, Rubj et Onda étant un peu trop forts les premiers moments. En effet, la concentration en extrait fait que le parfum est bien présent, même pour le porteur. Rubj est un fleuri : fleur d’oranger, jasmin et notes fruitées qui, à mon nez bizarrement, est vraiment ressorti sous la forme d’une tubéreuse. N’ayant pas une affection inconditionnelle pour la tubéreuse, c’est celui que j’ai le moins aimé. Onda lui est très rustique, un cuiré-boisé puissant armé de vétiver et d’épices, qu’il faut savoir laisser évoluer sur la peau car il est âcre au départ. Mais il prend par la suite une tournure animale osée et assumée qui le rend atypique.

Pour plus de renseignement sur Vero Profumo contacter Vero Kern à : profumo<at>veroprofumo.com
ou : Grebelackerstrasse 7
CH-8057 Zürich
SWITZERLAND

Un Ricard mon cher Bernard ! Etro : Anice

Ting, ting… Ce sont les glaçons dans mon verre de Ricard. Toute la force désaltérante de l’anis dans un parfum, qui n’en a jamais rêvé ? Etro a exaucé nos voeux !
Je parle ici avant tout aux amoureux de l’anis. Nul doute, si vous n’aimez pas l’anis, vous n’aimerez pas Anice, mais en revanche, si vos papilles se délectent avec plaisir d’un pastis, nul doute que vous aimerez Anice ! Les eaux fraîches ont le vent en poupe en ce moment, avec l’été, elles permettent de relancer les ventes, et d’attirer une nouvelle clientèle. Je ne suis pas fan de ce genre de classification, mais il faut avouer qu’Anice est une « eau fraîche » ou « eau désaltérante » très réussie.

La base des eaux pour l’été part souvent sur une dose élevée en hespéridés, et des notes aqueuses et rafraîchissantes. La plupart du temps, la base se résume en une bonne dose de muscs blancs pour faire « tenir » la fragrance sans l’alourdir. Ces eaux ont souvent un air d’Eau de Cologne sophistiquée. Anice répond à peu près au critère de base, à la différence qu’il se distingue complètement de l’esprit Eau de Cologne. Je le rapprocherais sur ce point de Jatamansi chez L’Artisan Parfumeur, ces deux eaux d’été tiennent bien leur promesse de rafraîchissement sans tomber dans le cliché de l’eau d’agrumes. Ce que j’aime le plus c’est la luminosité de chacune, qui évolue sur la peau de la façon la plus délicieuse qui soit. Anice démarre sur un intense jet d’anis et de bergamote qui fait vraiment penser à l’apéritif. Suivent des touches de jasmin, fenouil, iris (qui apporte douceur), vanille et ambre. Les muscs blancs viennent envolopper le tout. La tenue est légère et agréable, fluide comme une jupe. L’anis est très peu présent en fond, mais il reste toujours une sorte de fraîcheur à la fin de la journée. Cet anis-là se consomme sans modération !

Laissez-vous tenter par un flacon de 100 ml pour 82,50€

Lavandes, Serge Lutens : Gris Clair et Caron : Pour Un Homme

Le printemps est déjà là, et j’avais envie de prendre un peu d’avance sur les odeurs estivales. Alors pour donner suite aux études comparatives déjà menées sur les parfums à la vanille et les parfums à la tubéreuse, j’ai choisi aujourd’hui de faire l’analyse comparée de Gris Clair de Serge Lutens et de Pour Un Homme de Caron. Ce sont deux parfums construits autour de la lavande, une odeur familière, apaisante et rafraîchissante pour beaucoup d’entre nous. En effet, l’odeur de la lavande est souvent associée aux odeurs de linge propre, souvent grâce aux eaux pour le linge ou aux petits sachets parfumés à glisser dans les tiroirs et les armoires… C’est pour moi une odeur de détente et de tranquillité, et les parfums qui en contiennent me suggèrent souvent cette atmosphère fraîche et reposante.

Parfum en demi-ton, présent et discret, Gris Clair de Serge Lutens est une eau aromatique qui glisse sur la peau. Construit autour de la fleur de lavande, ce parfum l’explore par le côté sec, la fleur du flacon sèche sur la peau et nous offre des grains de lavande secs et gris pâle. Son évolution est aride, on ne sait plus tout à fait si le parfum est toujours là, car son ton est presque minéral. Il sent comme ces roches grises surchauffées par le soleil où pas une pointe d’humidité ne subsiste, tout est bu et asséché. Il en résulte une étrange sensation de sérénité. Un état brut, silencieux, comme la nature par journée de canicule… Rien ne bouge, seuls les insectes trouvent encore la force de voler. Malgré cette sensation intense d’un soleil de plomb, Gris Clair me semble aussi bien adapté à la saison hivernale qu’à l’été, car c’est un parfum au souffle léger. Il se décompose ainsi : Pollens, Racines / Lavande, Notes sèches / Notes orientales. Les notes orientales ici se résument pour moi à des notes musquées, car Gris Clair n’a rien d’opulent, ni de balsamique, ni de fondant.
A l’inverse, Pour Un Homme se révèle beaucoup plus miellé par des notes plus rondes et plus généreuses. Pour autant, Pour Un Homme ne fait pas du tout lourd ou sucré, mais il a effectivement une présence plus affirmée. Créé en 1934, ce parfum est un grand classique mais que je trouve toujours d’actualité. Sa note est simple, intensément aromatique avec la lavande en particulier, mais aussi le romarin et la sauge. Voilà pour l’élégance. Viennent ensuite le bois de cèdre, le bois de rose et la mousse de chêne en fond pour la noblesse. S’ajoutent au précieux mélange la rose, la vanille, la fève tonka et le musc pour la douceur, la rondeur et la finesse. C’est vraiment le côté miel lavandé qui ressort sur ma peau, l’ensemble donne un fini légèrement carné où j’irais presque jusqu’à sentir une pointe de cuir. Délicieux. Bien que ce soit l’un des masculins les plus célèbres de l’histoire de la parfumerie, je trouve ce parfum parfaitement unisexe, plaisant à porter en toute situation, hormis l’été, car la note carnée s’intensifie avec la chaleur.

La note lavande pure se poursuit plus longtemps avec Gris Clair, là où Pour Un Homme se tourne vers un aspect plus sophistiqué où l’on distingue toujours la lavande mais entourée et enveloppée par les notes sèches du bois de cèdre, et le moelleux de la vanille.
Gris Clair est un parfum à porter avec une chemise blanche, un solitaire autour du cou. Pour Un Homme se porte lui aussi très simplement avec des gants en cuir.


La Wish-List de Nez Bavard

Parfums Bois d'Argent - C. Dior / Ambre Narguilé - Hermès / L'eau de l'eau - Diptyque / Angélique Noire - Guerlain / Splash Forte - IUNX / Egoïste - Chanel / Iris Silver Mist - Serge Lutens / Vétiver Tonka - Hermès
Bougies Amber Ambush - Memo / Foin Coupé - Diptyque / Maquis - Diptyque / Orangers en Fleurs - L'Artisan Parfumeur

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