Posts Tagged 'débats'

Le « Tout-est-parfumé »

Suite à un article paru dans le journal Libération du 19 et 20 janvier, et à un petit encadré de A nous Paris! du 4-10 février, on commence à percevoir la tendance à venir sur le marché du « Tout-est-parfumé ».

Cette mode du parfumage intempestif s’est répandue dans des sphères jusqu’alors inexplorées et visiblement ce n’est qu’un début. On avait commencé par des mouchoirs en papier parfumé ou encore des collants parfumés… Jusqu’ici, rien de très anormal me direz-vous. La première fois que j’ai vraiment bondi devant ma télé, est lorsque j’ai vu apparaître les premières publicités pour les protège-slips parfumés, le coup de grâce ayant été porté par une célèbre marque de tampons hygiéniques qui nous propose aujourd’hui des tampons parfumés contre les mauvaises odeurs… J’ai été choquée par la portée symbolique de cette campagne de publicité : même à l’intérieur de notre propre corps, il faut se prémunir contre les (mauvaises) odeurs!

Je cite ici une partie de l’entretien d’Annick Le Guérer, anthropologue, spécialiste de l’odorat, des odeurs et du parfum, publié dans l’article de Libération. La journaliste demande :

« Que penser d’une société totalement parfumée? A.N. : J’y vois un refoulement de la mort : la mauvaise odeur, c’est le putride. Diffuser des odeurs florales, boisées, épicées qui sont des odeurs de vie, c’est une façon d’oublier que nous sommes des êtres vivants, appelés à la putridité et à la mort. […] Mais outre le désir inconscient de refouler l’idée de la mort, on peut également voir dans cette démarche une recherche du plaisir, du bien-être qui nous détourne de la « sueur sacrée » du travail. »

L’article, qui n’est malheureusement plus accessible en libre-accès sur le site de Libération, traitait, à côté de cet entretien, de l’interdiction de fumer dans les lieux publics qui est désormais en vigeur en France. Selon cet article, depuis que l’on ne peut plus fumer dans les boîtes de nuit, l’odeur régnant dans les clubs serait particulièrement désagréable, mélange de tabac froid, d’alcool et de transpiration… On apprend, de plus, dans A nous Paris!, que la SNCF teste actuellement dans onze de ses gares des diffuseurs de parfum censés « renforcer le sentiment de propreté et surtout créer une ambiance différente et originale ». Comme le dit Annick Le Guérer, on reprend aujourd’hui conscience du pouvoir de l’odorat, celui-ci ayant été dévalué pendant des siècles. Peut-être doit-on y voir une volonté de l’homme de retourner à des choses plus naturelles, plus instinctives, et peut-être meilleures pour sa santé. Mais on peut aussi y percevoir un nouveau marché pour les entrepreneurs en quête d’innovations et de succès rapide.

Je ne doute pas que ce type d’initiatives va rencontrer un succès auprès des directeurs de boîtes de nuit, on a déjà vu que les marques tentent depuis un moment de se donner une identité olfactive. Consulter à ce sujet le site des Ateliers du Parfums où Nathalie nous donne son sentiment. Cependant, je n’y vois rien de bon encore une fois pour l’odorat, car je crains que ce type d’inventions ne continue à désorienter la sensibilité des individus, en les laissant encore et toujours se complaire dans des atmosphères aseptisées et refoulant toute notion instinctive trop incontrôlable. Le parfum a d’abord été considéré comme sacré, pour brider son utilisation et le cantonner à des usages religieux, le plaisir associé aux parfums profanes étant alors souvent relié aux situations de débauche. Aujourd’hui dans l’utilisation qui en est faite, on veut séduire, mais il me semble que l’on recherche aussi à contrôler ses instincts et ne pas se sentir dépendant de ses sens.

Le besoin de tout parfumer ne serait pas aussi pressant, ou alors serait fait de manière différente si l’on apprenait aux gens à apprivoiser le monde des odeurs et à comprendre les mécanismes subtils et très profonds de l’odorat qui sont tout autant liés au plaisir gratuit des sens qu’aux mécanismes de défense de l’être humain. Je cite en référence la conclusion d’un article disponible sur le site de L’Université de Lyon 1 qui nous dit que « l’hédonisme de la perception olfactive a un profond enracinement biologique. Le plaisir sensoriel est sans doute le moyen que l’Evolution a trouvé pour guider, sans les contraindre, les organismes supérieurs vers les sources de mieux-être, vers les choses et les êtres dont il est bon de s’approcher pour accroître ses chances de survivre et de produire une descendance. L’odorat qui nous renseigne sur la substance des choses est, naturellement, le meilleur messager du bonheur promis ou du danger qu’il faut fuir. […] Quelque part dans notre système limbique les notes olfactives ébranlent des fibres qui ont été placées là bien longtemps avant qu’un être vivant ait conçu l’idée de les faire vibrer pour son pur plaisir. »

Mon sentiment est qu’aujourd’hui l’homme moderne ne sait plus vraiment faire la différence entre ce qui est bon et ce qui est mauvais pour lui, à cause de l’instrumentalisation dont ses sens font l’objet, et que cela a des répercussions importantes du point de vue sociologique et mental (image de soi, image des autres, rapports humains, perception…). Je redoute que cette instrumentalisation de l’odorat qui a déjà commencé, ne s’étende et n’aggrave un peu plus la situation.

Parfums : Critiques ou pas?

L’idée de ce billet m’est venue il y a un moment déjà, depuis que j’ai remarqué, comme beaucoup d’entre vous, que la critique (de qualité) en parfumerie est totalement inexistante. Lorsque j’ai créé Poivre Bleu, mon objectif principal était d’exposer mes pensées, mes avis et mon évolution au sein de ce milieu. Les mois passant, il est devenu assez naturel pour moi de prendre parti ou de râler lorsque cela me semblait justifié. Il s’agit surtout pour moi d’un plaisir, celui de donner sa perception, de parler de ses goûts, de ses références, de ses idées… mais aussi d’un besoin, celui de donner une vision personnelle, différente de celle des publicités et aussi d’un besoin d’échange et de confrontation entre amateurs d’un même univers.
Après la lecture de 2 articles très intéressants publiés sur deux blogs que je fréquente régulièrement : Les Ateliers du Parfum et le blog d’Octavian Coifan : 1000 Fragrances, j’ai voulu parler de ce sujet si sensible qu’est la critique. Et en ce qui nous concerne, la critique de parfum. Ces deux articles n’ont pas le même sujet, mais ils ont mis en lumière le brouillard épais dans lequel on nage dans ce milieu. Dans La curiosité : un vilain défaut? , Nathalie nous parle du manque de communication et des codes poussiéreux qui y règnent, surtout pour ceux qui souhaitent y rentrer. A son tour, Octavian dans How to lie with fragrances , nous expose les subterfuges et les non-dits qu’utilisent les industriels du parfum pour faire de la désinformation et du mensonge.

Ces articles mettent en lumière, à mon sens (même si ce n’était peut-être pas voulu par les auteurs), le besoin d’analyses, d’échanges et de critiques dont aurait besoin la parfumerie pour évoluer. Pour ma part, ce constat vient du fait que je ressens la parfumerie comme un art. Créer un parfum, c’est utiliser les moyens mis à disposition pour créer une oeuvre et donner une idée du beau, chercher à toucher la sensibilité de chacun. L’oeuvre d’art est donc une production de l’esprit dans le domaine de l’esthétique. Si on retient cette conception, la nomenclature proposée par Jean-Claude Ellena dans Le Parfum, Que sais-je? n°1888 , est tout à fait pertinente. Les parfums se définissent « par une forme, c’est à dire la façon dont le parfum est perçu » : il y a les formes classiques, baroques, narratives, figuratives, abstraites, minimalistes… A partir du moment où l’on définit, on a une base sur laquelle on peut s’appuyer pour juger et donc pour critiquer. Où sont donc ces bases en parfumerie? Finalement, sur quoi juge-t-on un parfum?

J’ai le sentiment (est-ce le vôtre?), que la parfumerie ne s’assume pas à ce niveau (celui de l’Art) ou qu’elle est retenue à un niveau moindre pour les intêrets des plus puissants et des plus riches. Elle n’est pas tirée par le haut, car son histoire s’entremêle de plus en plus avec les considérations commerciales des grands groupes qui la contrôlent. Son évolution actuelle me fait penser à celle du cinéma qui, lui, a été reconnu comme art, bien que la parfumerie soit plus vieille de plusieurs siècles. L’exploitation de la parfumerie à des fins commerciales est, il me semble, tout à fait concevable, c’est le cas de la musique ou du cinéma. Son élévation au rang d’art ne pourrait que lui être bénéfique, lui permettrait de définir ses contours, de se structurer et pourrait par la même occasion faire apparaître une reconnaissance véritable des professionnels de la parfumerie.
Le fait est qu’aujourd’hui, de plus en plus d’amateurs éprouvent un sentiment de frustration par rapport à leur passion. Il y a ceux qui savent (les professionnels) et les autres, qui n’ont pas les moyens et les connaissances pour juger et pour critiquer. Pourtant, cette forme d’expression existe déjà depuis un moment, même si elle est encore très jeune, la prolifération de Perfume-Blogs la matérialise. Je ne préjuge pas des buts individuels de chacun des passionnés qui ont un jour décidé d’ouvrir un blog, mais comme je le disais au début du billet, l’existence des sites internet sur le parfum (et notamment des blogs) vient du fait que la communication sur ce sujet est totalement conventionnelle, calculée, contrôlée et ne fait absolument pas l’objet d’une analyse critique… Alors que l’envie de comprendre, d’apprécier et de discuter est bien réelle. Je trouve ces envies, et les différentes formes de critiques qui en résultent, légitimes, car on ne peut en vouloir aux gens de pallier l’inexistence de références communes en matière de parfum par des tentatives personnelles. Le savoir n’est pas réservé aux professionnels, la curiosité et la volonté d’apprendre permettent au fil du temps de s’éduquer, affiner ses analyses, cultiver et améliorer son nez. Je pense ici aux 3 ouvrages de René Berger sur la Découverte de la Peinture : il y a d’abord L’art de voir (sentir?), puis L’art de comprendre et enfin L’art d’apprécier. Le cheminement pour arriver à la critique de qualité est long, néanmoins, je pense qu’à tous les stades, l’expression (des goûts, des impressions, des ressentis…) est importante et qu’elle ne remet pas en cause les compétences et le travail des parfumeurs. On voit d’ailleurs avec l’arrivée de site internet comme Auparfum.com que la donne change puisque les professionnels eux-mêmes ont envie et besoin de voir la situation évoluer.

Il s’agit bien évidemment dans ce billet de mon opinion personelle, tout le monde (même les passionnés) ne partage pas forcément mon point de vue et ne perçoit pas la prolifération de blogs sur le parfum comme une bonne chose. Si vous avez des impressions à nous faire partager, n’hésitez pas!

Tom Ford. Gros Klaxon, Petit Moteur…

Je me permets de faire une parenthèse dans la série des billets Guerlain, pour réagir à propos de la nouvelle campagne de pub de Tom Ford pour son prochain parfum : Tom Ford For Men.
J’ai découvert cette campagne grâce au blog Perfume Smellin’ Things écrit par Marina. Comme elle, je suis d’abord restée perplexe devant cette photo. Même si Tom Ford nous avait déjà habitués à des publicités dénudées : voir les campagnes pour M7 (dont s’est largement inspiré Light Blue Man de D&G), Opium ou Paris d’Yves Saint Laurent. Souvent il avait fait preuve d’audace, mais avait réussi à rester de bon ton. J’ai pour ma part détesté la dernière campagne de pub pour Paris, que j’ai trouvé vraiment glauque, mettant en scène un femme trop maigre avec un visage sinistre entourée de deux hommes au regard et à l’allure vides…
Tom Ford a visiblement l’air de quelqu’un qui a du goût, de l’audace et un véritable sens de la création. Ses goûts en matière de mode, ses choix stylistiques sont forts et assumés, et dans le même temps on le voit à maintes reprises sur des photos apparaître dans la posture virile de l’homme dominant ou encore sous le rôle d’un bel étalon au pouvoir de séduction irrésistible. Ces postures de jeune coq en rut Lire la suite ‘Tom Ford. Gros Klaxon, Petit Moteur…’


La Wish-List de Nez Bavard

Parfums Bois d'Argent - C. Dior / Ambre Narguilé - Hermès / L'eau de l'eau - Diptyque / Angélique Noire - Guerlain / Splash Forte - IUNX / Egoïste - Chanel / Iris Silver Mist - Serge Lutens / Vétiver Tonka - Hermès
Bougies Amber Ambush - Memo / Foin Coupé - Diptyque / Maquis - Diptyque / Orangers en Fleurs - L'Artisan Parfumeur

Archives